Merci aux militants qui m’ont représenté aux différentes cérémonies du 8 mai 2023 pour célébrer la victoire des Alliés face à l’Allemagne nazie.
Ci-dessous le discours que je souhaitais prononcer. J’avais prévu d’insister sur deux points : le programme du Conseil National de la Résistance et le rôle de la classe ouvrière dans la résistance au nazisme. Malheureusement, un petit soucis de santé m’a empêché d’être présent à la cérémonie. Je vais maintenant beaucoup mieux et suis déjà de retour au travail.
Monsieur (Madame) le Maire,
Mesdames et messieurs les représentants des associations mémorielles et d’anciens combattants,
Mesdames et Messieurs,
Nous commémorons ce jour la Victoire contre l’Allemagne nazie et sa capitulation sans condition.
Ce régime totalitaire s’est rendu coupable de 65 millions de morts. Des êtres humains étaient catégorisés en surhommes et sous-hommes, leurs vies jugées dignes ou indignes d’être vécues. L’Etat nazi a été dans l’histoire la mise en œuvre la plus aboutie des théories racistes et eugénistes.
Cette barbarie a atteint son paroxysme dans l’univers concentrationnaire. Six millions de juifs ont été assassinés par le régime nazi. Ce fut le cas aussi de dizaines de milliers de tziganes, d’homosexuels, de personnes handicapées ainsi que d’opposants politiques.
C’est à la mémoire de ces derniers que je porte au revers de ma veste un triangle rouge. Communistes, résistants et objecteurs de conscience étaient marqués par cet insigne au moment de leur déportation.
La dette que nous avons envers ces femmes et ces hommes est immense. Leur sacrifice a été le prix de notre liberté. Le combat qu’ils ont choisi de mener, courageux, conscient, a une valeur universelle.
Dans les temps les plus sombres de notre histoire, ils ont été la flamme inextinguible de la liberté et de l’humanisme.
Non contents de nous libérer de la barbarie nazie, ils ont œuvré pour l’avenir de la nation. C’est le premier point sur lequel je voudrais m’attarder.
Le 27 mai 1943, au 1er étage du 48 de la rue du Four à Paris, au nez et à la barbe de l’occupant, s’est tenue la première réunion clandestine du Conseil National de la Résistance, présidée par Jean Moulin. Deux syndicats, huit mouvements de la résistance et six partis politiques, de la gauche communiste à la droite catholique, se rassemblèrent pour unifier et intensifier la lutte contre l’occupant tout en préparant un programme de reconstruction de la France à la Libération.
Quelques jours après cette réunion, Jean Moulin est dénoncé et capturé par les SS. Il est torturé trois jours durant jusqu’à en mourir, sans n’avoir rien révélé à ses tortionnaires. Son mutisme a permis au CNR de poursuivre son œuvre.
Le 15 mars 1944, dans une France toujours occupée, trois mois avant le débarquement des alliés en Normandie, le Conseil National de la Resistance a adopté à l’unanimité son programme.
Un programme qui vise le rétablissement des libertés, l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, un plan complet de sécurité sociale.
Un programme dont l’esprit est résumé ainsi par le Général de Gaulle : « que l’intérêt particulier cède devant l’intérêt général, que les grandes sources de la richesse commune soient dirigées et exploitées non pas pour le profit de quelques-uns mais pour l’avantage de tous ».
Ce programme, lorsqu’il a été imprimé et distribué dans la clandestinité, a été intitulé « les jours heureux ».
Les jours heureux.
Puisse le Conseil National de la Résistance nous inspirer. Ceux-là mêmes qui ont vécu à l’époque où l’humanité a montré, à travers le nazisme, son visage le plus abject, ceux-là n’ont pourtant jamais perdu la conviction qu’un monde heureux était possible.
Alors qui sommes-nous ici pour nous résigner ? Pour abdiquer devant la misère et la souffrance qui nous entoure ?
Le message du CNR est que le bonheur est toujours accessible. Que le progrès social et démocratique ne doit jamais interrompre sa marche.
« C’est en allant vers la mer que le fleuve reste fidèle à sa source » disait le grand Jaurès. L’humanité n’est jamais aussi fidèle à elle-même que quand elle cherche les voies et moyens pour rendre la vie plus belle et plus douce. Ne l’oublions pas.
La Résistance a été incarnée par de grands noms, qui sont entrés dans l’histoire et, pour certains, au Panthéon.
Il nous faut aussi garder en mémoire le rôle joué par la classe ouvrière. C’est le second point que je souhaitais développer.
Dès le mois de mai 1941, dans le Nord Pas-de-Calais, plus de 100 000 mineurs entrent en grève. C’est l’un des premiers actes de résistance contre l’occupant nazi en France. Les femmes de mineurs jouèrent un rôle primordial dans cette lutte. Il faut aussi évoquer l’implication des nombreux mineurs polonais.
La machine de guerre allemande cherchait un rendement maximum dans les mines de charbon, mais elle s’est heurtée à la conscience patriotique du monde ouvrier. La grève ne prit fin qu’après une féroce répression. 600 mineurs sont arrêtés et 270 déportés en camps de concentration, la moitié n’en reviendra pas.
Evoquons aussi le rôle joué par les cheminots. Tout au long de la guerre, par le transport clandestin et le sabotage, ils apportèrent une contribution précieuse à la résistance. Ils ont mené ainsi pendant quatre ans ce qu’on appellera la « bataille du rail ». Et ils l’ont payé cher : un millier de fusillés, plus de 1 100 morts en déportation, des milliers d’arrêtés, torturés, révoqués.
Ce sont toujours les cheminots qui, le 10 aout 1944, engagent une grève qui perturbera gravement le déploiement et le ravitaillement des forces armées nazies. Les conditions sont réunies pour que, le 18 août, la CGT et la CFTC appellent à une grève générale insurrectionnelle, multipliant les fronts intérieurs qui affaibliront l’occupant.
C’est dans ce climat insurrectionnel que le 22 août 1944, le colonel Rol-Tanguy, commandant en chef des FFI en région parisienne, lance un appel aux Parisiens : “Tous aux barricades !”. Elles surgissent par centaines un peu partout dans la capitale.
Quelques jours plus tard, la 2ème Division Blindée du Général Leclerc entre dans Paris insurgée. On peut dire que le peuple parisien a participé à sa propre libération, dans la pure tradition révolutionnaire de 1830, 1848 et 1870.
En cette journée de commémoration du 8 mai 1945, c’est aussi à ces courageux anonymes que nous devons rendre hommage. Ils étaient d’humbles militants, pénétrés d’idéal, refusant d’être indifférent à la marche du monde.
Qu’ils restent à jamais gravés dans nos mémoires. Que leur grandeur d’âme nous inspire.
Vive la République,
Vive la France !